Vladimir Iriakov

   
   

   
   
   
   

Histoire

« Maman, c 'est quoi une pute ? » Il se souvient du regard de sa mère qui s'était figée à cet instant, choquée des propos de son fils. La claque avait fusé, et Vladimir s'était redressé sans comprendre. Pourquoi le giflait-elle ? Retenant ses larmes du haut de ses onze ans, le garçon fixait sa mère. « .. C'est un mauvais mot, chéri. Pardon. Il ne faut pas dire ça ici. » Hochant piteusement la tête, le blondinet s'était redressé et était allé dans sa chambre. C'était vrai, alors ? Sa mère était une pute ? Il est vrai que de nombreux hommes défilaient à la maison, sans qu'il n'ait revu la moitié d'entre eux. Au collège, on le traitait de «fils de pute» sans qu'il n'en comprenne la raison, jusqu'à ce qu'Elijah lui explique la vrai signification de ce mot. Ainsi, sa mère était bien une prostituée, ce genre de personne qui exercent le plus vieux métier du monde pour sauver leur vie. Furieux contre celle qui l'avait mise au monde, il avait dormi chez Elijah ce soit là. Malgré leurs cinq ans d'écarts, les deux garçons se trouvaient être les meilleurs amis du monde. Petit à petit, la rancœur passa, et le blondinet se mit à aider sa mère un maximum, tentant de faire quelques bonnes actions auprès des personnes âgées pour rapporter quelques pièces. Sortir les chiens, aider à monter les courses, il avait rapidement comprit comment on réussissait dans ce monde.

« J'ai bien vu comment tu le regardais hein ! T'es jamais là en ce moment, on se demande pourquoi, tu vas juste chercher d'autres personnes ! Tu m'aimes plus, c'est ça !? » C'était une soirée romantique de prévue, ce soir là. A la place, ce fut trois ans de vie commune qui volèrent en éclat. Ah, la confiance. L'une des raisons de quatre-vingt dix pour-cents des ruptures aujourd'hui. Fronçant les sourcils, Vladimir n'eut pas le temps de s'expliquer qu'il était déjà parti, claquant la porte derrière lui. Il avait tout emmené, ses affaires, son odeur, toute trace de sa vie auprès de lui, sans écouter la moindre de ses explications. Comme si il aurait pu le tromper. Il a bien tenté ensuite, de le rappeler, de le revoir, le retrouver. Mais petit à petit, il cessa. Elijah ne voulait plus le revoir, il ne voulait plus entendre parler de lui. Soit. Celui qu'il aimait depuis qu'il avait comprit le sens de ce mot était parti sans un au-revoir, devait-il reconstruire sa vie ? Impossible. Il ne se voyait pas sans Elijah, sans celui qui lui avait tout apprit. Son premier baiser, sa première fois, son premier travail, tout ces choses il les avait vécues avec Elijah, et sans lui ce serait impossible. Trop difficile. Mais il fallait bien aller de l'avant, d'une certaine manière. Faire semblant, sourire aux autres.

Un brusque coup de frein n'empêcha pas la voiture de rencontrer le camion en face. Il n'était pas en tord dans cet accident, le camion en face était au milieu de la route. C'était la collision, ou dévaler le ravin en tonneau. Quoique dans tous les cas, l'issue était la même. Si il ne mourrait pas, il serait gravement accidenté. L'explosion suivi peu après la collision, et la panique le gagna peu à peu. Il brûlait ! Un conducteur d'une voiture arrêtée non loin d'eux le tira de sa voiture détruite, et ce fut sans doute grâce à lui qu'il est toujours en vie actuellement. Brûlé à 80% de son corps, le blondinet resta plusieurs mois à l'hôpital. Les opérations, les soins, la rééducation. Il fallait avancer, encore une fois, bien qu'il aurait préféré brûler et mourir. Il perdit un an de sa vie, dans cet hôpital moisi, avant de pouvoir enfin réintégrer le monde réel. Il n'avait plus de travail, plus de logement, aucune raison de rester à Londres. Il boitait désormais, et était défiguré à vie. En l'espace de quelques années, il avait perdu l'amour de sa vie, ainsi que son corps. Mais Vladimir continua de se battre, déterminé à prendre sa revanche sur la vie.

« Le cirque ne passe pas souvent en Angleterre, tu sais. C'est maintenant ou jamais, mon gars. » Rejoindre le cirque ? Quelle idée folle. Et pourtant, se souvenant de l'attirant énorme qu'avait Elijah envers les cirques, il se décida de les rejoindre. Il avait toujours admiré cet endroit magique, sans oser faire plus. Mais maintenant qu'il ressemblait à un monstre, il avait sans doute sa chance ? Rejoignant le Freak Show, le jeune russe tenta de monter un spectacle, en vain. Il n'était pas assez doué, pas assez inventif. Mais il ne voulait pas partir, il s'était fait des amis par ici, et puis.. Il y avait Elijah. Il n'avait pas encore osé l'approcher, mais de loin il observait ses spectacles. Petit à petit, les mois passèrent, et il tenta malgré tout de s'accrocher, jusqu'à ce qu'on lui fasse admettre la vérité. Il n'était pas un artiste. Soit il partait, soit il rejoignait les « autres ». Il ne voulait pas partir, il ne voulait pas quitter encore Elijah, même si maintenant il n'avait plus aucune chance de lui plaire. Alors, il se mit à faire ce que faisait sa mère quelques années plus tôt. Un client, puis un autre. Il fallait simuler, parfois ce n'était pas grand chose. Ravalant son dégoût et sa fierté, il se surprenait à ne pas comprendre comment les gens pouvaient le désirer. Il était laid, brûlé, et pourtant il intéressait. Peut-être était-ce justement cette particularité qui plaisait aux autres ? De pouvoir clamer haut et fort avoir eu une aventure avec un monstre, un jour ? Sans doute. Petit à petit, son aversion passa, et il s'habitua à ces étrangers. Il fallait simplement faire attention, trier.