Amanita Maha

   
   

   
   
   
   

 

Histoire

 
Il pleuvait largement, l’air chargé d’une lourdeur accablante plaquant les vêtements contre la peau. Il n’était pas question de s’attarder, alors elle accéléra le pas, un classeur au-dessus de la tête et son voile trempé, collant ses cheveux et son front dans une allure misérable et moite. Elle passa rapidement sa main sur son front pour y dégager les quelques mèches serpentant le long de sa peau. Arrivée chez ses parents, elle retira ses chaussures, gouttant dans l’entrée quelque peu inondée par les fortes moussons, posant celle-ci en hauteur. « C’est moi. Papa-ji, Mata-ji.» Elle secoua ses affaires, allant embrasser chaque parents à son tour, regardant si les cadets étaient rentrés eux aussi.

« Amanita, assis-toi. On a une grande nouvelle. » Mais la jeune femme n’y prêtait pas attention, soupirant d’un air agacé en voyant que les cours dans son classeur avaient prit l’eau, qu’ils étaient fichus. S’énervant, elle secoua le tout, tentant de sortir les feuilles unes à unes pour les faire sécher. Son père mit calmement la main sur la sienne, la conduisant jusqu’à une chaise sur laquelle elle s’assit, intriguée sans être forcément rassurée. « Tu vas pouvoir arrêter tes études. Les parents de Jamal ont acceptés, ils t’ont choisit. » Amanita resta de marbre mais tenta de forcer un sourire pour ses parents, étirant ses lèvres tout en baissant les yeux pour cacher sa déception et non une quelconque gêne ou bonheur diffus. Sa mère s’approcha, essuyant ses mains sur son tablier. « Tu vas être le premier mariage d’amour dans la famille, soit fière. » Elle hocha simplement la tête, continuant d’étirer son sourire malgré un voile attristé sur son visage. « Je le suis. C’est une très bonne nouvelle. »

L’avantage de cet homme par rapport à un autre était qu’il l’aimait. Ce n’était soit, qu’un sens unique bien tragique car la jeune femme bien qu’elle le trouve généreux et empathique, ne l’aimait pas. Et cette simple raison lui suffisait amplement à refuser. Elle avait réussit à repousser la date de quelques mois, dans l’espoir de pouvoir terminer ses études malgré une incompréhension générale dans les deux familles. Il était celui qui avait accepté, l’avait fait accepté à tous et plus il se donnait à elle, plus il en faisant, plus elle était mal à  l’aise car elle savait qu’elle ne pourrait jamais lui rendre la pareille, sentimentalement comme matériellement.

C’est à quelques jours du mariage, alors qu’on appliquait délicatement le henné sur les mains et les avants bras, entourée des femmes de la famille qui discutaient, riaient dans une bonne humeur si flagrante que les rides sur leurs visages n’étaient plus que des expressions valsantes, qu’Amanite se rendit compte qu’elle n’y échapperait. Elle se mit simplement à pleurer, silencieusement et les femmes autour d’elle s’exclamèrent. « Elle est émue! Quel beau mariage ça va être! » D’autres riaient comme si elles avaient face à elle une petite fille les attendrissant tandis que certaines racontaient leurs propres mariages. « Moi, le jour de mes fiançailles, j’étais tellement stressée que j’ai trébuché! J’en ai déchiré mon sari! » Et toutes s’esclaffèrent alors qu’Ama étirant pour la énième fois ses lèvres, esquissant un sourire et hochant la tête pour n’inquiéter personne.

Sa plus belle idée, fût de se servir de ses connaissances. L’informatique ne lui servait pas à faire du traitement de texte, loin de là. Elle s’était mise au service de l’illégal, du piratage et ce soir-là, seule dans sa chambre, éloignée de tous membres de la famille, décida de faire en sorte de ruiner le mariage de la façon des plus rationnelles. Faire entrer la famille de son époux dans un scandal. À la tête d’une banque Hindou, elle décida de déplacer certains capitaux, qu’ils soient accusés de fraude. Ainsi, le temps que l’affaire soit résolue, le mariage serait annulé, l’enquête serait menée et leur honneur serait malgré tout sauf. Mais suite à cet incident, elle savait que la résolution était factice, que ce n’était qu’un moyen de trouver une solution davantage utile et viable.

L’erreur avait été de s’attaquer à un si gros poisson. Amanita ne fût pas accusée en réalité. Ce fût son frère cadet, petit génie de l’informatique qui avait plusieurs fois fait des remarques à l’égard de leur future belle-famille. Elle s’était servie de l’ordinateur commun ce soir-là, celui que toute la famille se pouvait d’utiliser. Lorsqu’elle vit les yeux paniqués de son cadet, les policiers le tirer à l’extérieur sous les larmes de sa mère et la figure grave de son père, elle s’avança soudainement, barrant la route, bousculant le tabouret se trouvant devant elle. « C’est moi. C’est ma faute. C’est moi qui lui ai appris comment faire, il n’avait pas conscience de ce qu’il faisait. C’est un enfant vous pouvez pas l’emmener! »

Amanita passa injustement aux yeux de tous pour une héroïne ayant sauvée l’honneur de la famille alors qu’elle n’était qu’une vile usurpatrice, simplement trop lâche et trop faible pour regarder son cadet se faire amener à sa place. Le prenant contre elle, elle embrassa le haut de son crâne, l’enlaçant. « C’est pas ta faute Kusha, désolé, c’est la mienne. Rends-moi fière, continue d’apprendre. S’il te plaît Kusha. » Le relâchant, c’est ainsi qu’elle partit en prison.

Là-bas, se fût une toute autre vie, un tout autre univers dont les règles animales l’affolait. Pourtant elle dû s’y plier, ayant refusé la caution de sa belle-famille. Malgré tout, Jamal avait continué de crier au scandal, à l’injustice, bien qu’elle soit l’unique responsable. Condamnée à 6 ans à l’âge de 20 ans, elle su qu’elle avait été chanceuse de ne pas écoper davantage. En prison, elle s’adonna à la couture lors des travaux pratique obligatoires, décida de s’y mettre sérieusement pour voir enfin la panière se désemplir et pouvoir sortir à l’extérieur lors des beaux jours. Il y a des périodes durant lesquelles elle se faisait discrète, d’autres durant lesquelles elle participait au commerce illégal de la prison et d’autres enfin où elle ne supportait plus l’emprise de certaines personnes sur elle ou d’autres, leur autorité factice. Elle s’est battue, a reçu des coups, a été isolée, elle qui, par son physique, donne l’impression qu’elle ne ferait de mal à personne.

Durant ses 6 ans, sa famille vînt la voir, lui parlait du bout des lèvres. Parfois, sa mère s’effondrée ou ses frères et sœurs venaient la voir et elle leur parlait, non pas de la vie morbide qu’elle menait ni sa décision concernant sa sortie. Mais elle leur disait tout ce qu’elle apprenait car elle savait qu’une fois évanouie dans la nature, elle ne serait plus là pour eux et que la moindre des choses était de les prévenir des aléas de la vie selon sa propre expérience, de faire d’eux malgré son absence, des personnes biens et structurées.

À sa sortie, Amanita décida de quitter l’Inde. Elle ne voulait plus vivre enfermée par des règles, des traditions, seule la loi de la survie avait grâce à ses yeux et sa foi pour Ganesh. Elle décida de quitter l’Asie, de partir pour l’Europe. Là-bas, quelques mois après sa sortie, elle croisa un cirque. Elle y entra par simple curiosité mais fût rapidement émerveillée. Par cet univers, ces personnes. Alors, dès que la représentation fût terminée, elle demanda à ce qu’on l’engage, qu’elle savait coudre, qu’elle pourrait aider, qu’importe la tâche. Cela fait maintenant plus d’un an et demi qu’elle y est et qu’elle travaille là-bas.