Histoire

  

about farewell

Mai 1997
« Maman, tu sais, j'aime beaucoup mes petites sœurs mais, s'il te plaît, pour une fois, est-ce que je peux avoir un petit frère ? »
Manque de chance, le cinquième et dernier enfant des Farewell est aussi une petite fille. De fait, Saul est le premier et unique fils de ses parents qui lui offrirent un peu hasardeusement un lot de petites sœurs portant les doux prénoms de Lula, Esther, Ava et Iris, aussi doux que leur caractère est sulfureux. Petit garçon plutôt sage, Saul prend très à cœur son rôle de grand frère et ce d'autant plus qu'il devient rapidement, quelques mois après la naissance de la petite dernière, le seul homme de la maison. Jacob Farewell, pour une raison inconnue du reste de sa famille, prit un matin la décision de récupérer son indépendance.

Mai 2004
« Lula veut devenir danseuse étoile, Esther va aller à l'université dans deux ans, Iris et Ava ne vont pas tarder à la suivre... Et tu n'auras jamais les moyens de payer tout ça pour elles. J'ai trouvé un boulot à plein temps. »
Avec un seul parent pour cinq enfants, les Farewell durent se serrer la ceinture. Le seul cadeau qu'ils s'offraient chaque année, c'était d'aller au cirque, pour un moment pendant lequel même Saul retombait en enfance et rêvait de rejoindre les acrobates là-haut, au sommet du chapiteau. Le reste de l'année et depuis ses douze ans, Saul aidait sa mère comme il le pouvait en participant à l'effort commun par des petits boulots. D'abord en distribuant le journal dans la ville avant d'aller à l'école, puis en aidant à la récolte des fruits l'été venu ou en assurant des services dans quelques restaurants. Après avoir obtenu son diplôme à la fin du lycée, il n'envisagea même pas d'aller à l'université et se dégota un stage avec un ami de sa mère, un plombier avec qui il apprit sur le tas. Puis il enchaîna les jobs temporaires : aux fourneaux d'un fastfood où il assurait aussi la plonge, à l'entretien d'un zoo où il ramassait les déchets des touristes, agent de surface à l'hôpital, vendeur à une station essence... Heureusement, Boston était plein de possibilités et lui était plein de ressources.

Mai 2015
« Le cirque arrive en ville juste pour les dix-huit ans de Lula, réserve ton samedi, Saul ! »
Lula, la dernière de la fratrie, atteignait la majorité. Et Saul, du haut de ses vingt-huit ans, en était au même point que dix ans auparavant. Apprenti jardinier pour un paysager qui le sous-payait, il n'imaginait plus son futur. Il adorait ses sœurs, il adorait sa mère, mais la majorité de Lula était l'occasion de se délivrer de la promesse qu'il s'était fait de subvenir aux besoins des Farewell. Il prit l'arrivée du cirque à ce moment là comme un signe. Ils engageaient toujours : des talents bien sûr mais aussi du personnel pour s'occuper des animaux et de l'entretien du cirque. Et justement, le gardien des lions avait laissé tomber son tablier.


« On part en Nouvelle-Orléans, m'man. Tu imagines ? Et peut-être qu'après, ce ne sera même plus en Amérique. Je pourrais aller sur un autre continent, je peux faire le tour du monde... »
Il avait dans la voix un rêve d'enfant. Hannah Farewell, sa mère, ne lui en a pas voulu. Ni Lula, Iris, Esther et Ava. Elles comprenaient que son sacrifice pendant dix-huit ans valait bien un échappatoire avec le cirque aujourd'hui. Il reviendrait peut-être d'ici quelques mois, peut-être quelques années. Il ne les abandonnait pas même s'il avait l'impression de suivre les pas de son père et culpabilisait un peu. Engagé par le cirque, il se fichait un peu de ce qu'il devrait faire : il était prêt à ramasser la merde de tout le cirque si ça lui donnait l'impression d'avancer un peu dans sa vie plutôt que de faire du sur-place. 

you look like your father. he left too.

  

©NyoTheNeko de Never Utopia